Music

La Musique

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Marie Krysińska


C’est une Muse parfois voilée
De chastes voiles d’argent
Dont la frissonnante âme ailée
Comme une rosée dans les cœurs se répand.

Quand elle chante inspirée
La face levée vers les cieux
La norme est abolie, le présent effacé,
Les temps ressuscitent prestigeux.

A son ordre se dressent les fantômes pâlis
Des belles danseuses de Pavanes,
Et les Menuets de jadis
Où saluent de gracieuses dames.

Elle est la voix des orgues funéraires
Vantant les Morts héroïsés
Et la Pleureuse baignée de pleurs austères
Par qui notre douleur est apaisée.

Elle est l’envol de joie et le cri de tendresse,
L’Alouette aux ailes ouvertes près des nues ;
Miroir divin où se mire notre tristesse,
Vase d’or où toute larme en perle se transmue.

Intermèdes, 1903.

Sonate

Prelude

Les douces lampes veillent Sur le frissonant calme des tentures Et les coussins profonds comme l’oubli Se font complices de notre langueur. Quel charme dans la muette sérénade Des guitares frôlées par nos cœurs émus Sous les balcons des Exstases ! Et ces baisers tristes à force de tendresse Sont comme les humides pétales des nénuphares S’évanouissant Sur l’inextinguible soif de nos âmes — Accourues au rendez-vous De ces baisers tristes à force de tendresse, — Ne commettons pas la faute De ravir l’amoureuse proie Au Sphinx adorable des minutes futures. Vois le gracieux Léthé de lumière Caresser la soie des tentures. (Rinforzando) Invincible l’étreinte Et plus sonores les arpèges aux Harpes Qui sommeillaient Dans le frissonnant calme des tentures. De quelles invisibles cassolettes Monte ce parfum de pourpres roses ? Et la hantise inquiète des œillets roses?... . . . . . . . . . . . . . . Le Rêve conquérant A soumis nos rebelles vouloirs. (Fugue) Ors fulgurants des torches, Chevelures ardentes des célestes Monstres, Flammes d’azur, flammes violettes Et rouges flammes des bûchers ; Cimballums stridents et grondants orgues Unissent l’héroïque éclat de leurs accords Aux larges pleurs des violoncelles. Tandis que d’un fabuleux firmament Tombent en avalanche De grands lys odorants aux cœurs jaunes Au milieu de tons mauves suaves jusqu’aux larmes Et de lilas évanouis. (Dolce rittard.) N’est-ce point l’instant Immortel ? Et les âpres portes Du Réel Vont-elles se rouvrir Encore ? Cette demi-mort Que n’est-elle La grande, l’auguste Mort Si belle ! 2 avril 1890. Rythmes pittoresques, 1890.

Music

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Samantha Pious


is a Muse, sometimes veiled
in silver, chaste and true,
whose winged soul, trembling, 
spreads in our hearts like drops of morning dew.

When, inspired, she sings
— her face raised toward the skies —
norms are abolished, the present day destroyed,
the times revitalized. 

At her command arise the faded ghosts
of Pavane dancers, beautiful and stately,
and Minuets of long ago
in praise of many a noble lady.

She is the voice of funeral organs
boasting the heroic Dead
the Mourner bathed in solemn tears
through which our pain is quieted.

She is the flight of joy, the cry of tenderness,
the Lark that spreads its wings above the world,
a looking glass where sadness looks upon itself,
a golden vase where every tear becomes a pearl.

Interlude, 1903.

Sonata

Prelude

The soft lamps watch over the quivering calm of the drapes and the cushions, as deep as forgetfulness, become complicit in our languor. How charming is the silent serenade of guitar strings swept by our hearts, which are stirred below the balconies of Ecstasies! These kisses, sorrowful in their tenderness, are like the glistening petals of waterlilies that start to fade in our souls’ unslakable thirst— hastening to the meeting-place of these kisses, sorrowful in their tenderness— Let us not commit the sin of ravishing the amorous prey from the lovely Sphinx of the minutes yet to come. See, the graceful Lethe of light is caressing the silken drapes.
(Rinforzando)
Unbreakable the embrace and more resonant the arpeggios of the Harps that slept in the quivering calm of the drapes. From what invisible cassolettes does this scent of purple roses emanate? And the pink carnations’ unquiet dread …? . . . . . . . . . . . . . . . Conquering Dreams have subdued our rebellious desires.
(Fugue)
Glowing gold of torches, fiery manes of heavenly Monsters, flames of azure, violet flames, scarlet blazing at the stake; the strident cimbalom and the organ’s roar unite the heroic burst of their chords with the cellos’ cries. While from a fantastic firmament an avalanche falls— great fragrant lilies with yellow hearts amid soft mauve tones that move to tears and faded lilacs.
(Dolce rittard.)
Is this not the moment of Immortality? And the bitter gates of Reality— will they unbolt themselves once more? This little death— if it only were the great, majestic Death so beautiful!
2 April 1890. Picturesque rhythms, 1890.