JE NE RESTE PAS LONGTEMPS
Cécile Coulon
Je ne reste pas longtemps
pour que vous gardiez de moi une image agréable, pour que chaque parole prononcée ne soit pas perdue, pour que vous n’ayez pas la possibilité
de trouver sur mon visage une expression de douleur ou d’agacement,
votre présence ne me fait pas mal et j’aime les gestes tendres simplement il m’arrive d’avoir besoin d’une nuit
sans étoiles et d’un jour sans déclarations.
Je ne reste pas longtemps
pour ne pas peser sur vos épaules nues,
pour ne pas prendre la place qui n’est pas la mienne,
pour ne pas vous voir pleurer,
je ne considère pas les larmes comme des aveux de faiblesse, il faut du courage pour noyer le regard
et la voix :
elle est impitoyable la révolte des sanglots
elle exige que l’on fasse dans la neige un petit pas
de coté.
Je ne reste pas longtemps
pour garder de notre rencontre une belle entaille au cœur, pour ne pas me sentir irremplaçable,
pour avoir envie de vous revoir :
parfois un simple sourire m’atteint comme une flèche aveugle et je dois ramasser très vite les morceaux qui tombent de moi-même
par le trou qu’elle a ouvert.
Je ne reste pas longtemps
pour ne jamais être déçue par ce que j’attendais de vous, pour la promesse d’un retour très bientôt,
pour le baiser qui vient naturellement à ceux qui s’aiment :
je vous écris souvent car j’ose à peine vous toucher,
comment font-ils pour effleurer des mains, et approcher des lèvres,
et frôler des bouches closes
alors que ces mouvements sont pour moi
des actes qui contiennent tout ?
Je ne reste pas longtemps
pour que chaque pas vers vous soit un pas de géant, pour que chaque étreinte soit une longue histoire, pour vous comprendre sans vous blesser : la nuit est belle sur les vallées profondes quand on sait que bientôt le jour va se lever. je ne reste pas longtemps
pour ne rien salir dans la petite chambre sur la Loire, pour ne pas embêter les fantômes
qui étaient là avant moi,
je ne reste pas longtemps
pour vous aimer encore.
I DON'T STAY LONG
Ester Luna
I don’t stay long
so that you keep a good impression of me,
so that every word spoken isn’t lost,
so that you don’t have the chance
to see a look of sorrow or annoyance
on my face,
your presence doesn’t pain me and I love kind gestures it’s just sometimes I need a night
without stars and a day without declarations.
I don’t stay long
so that I don’t weigh down your bare shoulders
so that I don’t take the place that isn’t mine,
so that I don’t see you cry,
I don’t consider tears confessions of weakness,
it takes courage to drown out your gaze
and your voice:
the revolt of sobs is ruthless
it demands that we take one small step
to the side
in the snow.
I don’t stay long
so as to preserve the beautiful gash in my heart from when we met, so as to not feel irreplaceable,
so as to want to see you again:
sometimes a simple smile hits me like a stray arrow and I have to quickly pick up the pieces falling
out of me
through the hole that it opened.
I don’t stay long
so as to never be disappointed by what I expected from you, for the promise of returning very soon,
for the kiss that comes easily to those in love:
I write you often because I hardly dare touch you,
how do they manage to graze hands, and bring their lips close,
and brush closed mouths
when to me these motions are
acts that contain everything?
I don’t stay long
so that every step towards you is a giant’s step, so that every embrace is a long story,
so as to understand you without hurting you: night is beautiful over deep valleys
when we know that day will break soon.
I don’t stay long
so as to taint nothing in that little bedroom on the Loire, so as to not bother the ghosts
who were there before me,
I don’t stay long
so as to love you still.