A ma mère
David Diop
Quand autour de moi surgissent les souvenirs
Souvenirs d’escales anxieuses au bord du gouffre
De mers glacées où se noient les moissons
Quand revivent en moi les jours à la dérive
Les jours en lambeaux à goût narcotique
Où derrière les volets clos
Le mot se fait aristocrate pour enlacer le vide
Alors mère je pense à toi
A tes belles paupières brûlées par les années
A ton sourire sur mes nuits d’hôpital
Ton sourire qui disait les vieilles misères vaincues
O mère mienne et qui est celle de tous
Du nègre qu’on aveugla et qui revoit les fleurs
Écoute écoute ta voix
Elle est ce cri traversé de violence
Elle est ce chant guidé seul par l’amour.
Celui qui a tout perdu
Le soleil brillait dans ma case
Et mes femmes étaient belles et souples
Comme les palmiers sous la brise des soirs
Mes enfants glissaient sur le grand fleuve
Aux profondeurs de mort
Et mes pirogues luttaient avec les crocodiles
La lune, maternelle, accompagnait nos danses
Le rythme frénétique et lourd du tam-tam
Tam-tam de la Joie Tam-tam de l’Insouciance
Au milieu des feux de liberté.
Puis un jour, le Silence…
Les rayons du soleil semblèrent s’éteindre
Dans ma case vide de sens
Mes femmes écrasèrent leurs bouches rougies
Sur les lèvres minces et dures des conquérants aux yeux d’acier
Et mes enfants quittèrent leur nudité paisible
Pour l’uniforme de fer et de sang
Votre voix s’est éteinte aussi
Les fers de l’esclavage ont déchiré mon coeur
Tams-tams de mes nuits, tam-tams de mes pères.
To My Mother
Samantha DeStefano
When memories loom up around me
Memories of anxious stopovers on the edge of the abyss
Of icy seas where harvests drown
When the days adrift come to life again in me
The tattered days with a narcotic taste
When behind the closed shutters
The word makes itself an aristocrat to embrace the void
Then mother I think of you
Of your beautiful eyelids burned by the years
Of your smile over my hospital nights
Your smile that spoke of the old vanquished miseries
O mother mine and who is mother of all
Of the Black man whom everyone blinded and who sees the flowers again
Listen listen to your voice
It is this shout traversed by violence
It is this song guided only by love.
He Who Lost Everything
The sun shone in my hut
And my women were beautiful and supple
Like palm trees beneath the evening breeze
My children slid on the great river
To the depths of death
And my canoes fought with the crocodiles
The moon, maternal, accompanied our dances
The tom-tom drum’s frantic and heavy rhythm
Tom-Tom of Joy Tom-Tom of Innocence
Among the fires of liberty.
Then one day, Silence…
The sun’s rays seemed to go out
In my hut empty of meaning
My women crushed their reddened mouths
On the hard thin lips of steel-eyed conquerors
And my children abandoned their peaceful nudity
For the uniform of iron and blood
Your voice went out too
The irons of slavery tore up my heart
Tom-toms of my nights, tom-toms of my fathers.